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16 mai 2023

Raviver les soins de santé : les leaders du secteur infirmier parlent des problèmes les plus urgents au sein du système de soins de santé au Canada

Dans le but de célébrer la Semaine nationale des soins infirmiers, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers (FCSII) a organisé un panel en ligne auquel ont participé des leaders du secteur infirmier d’un océan à l’autre. Raviver les soins de santé explore les enjeux les plus urgents pour le personnel infirmier du Canada, y compris les ratios infirmière-patients, les stratégies de recrutement et de maintien en poste, et la privatisation. Les leaders de syndicats infirmiers du pays ont partagé des mises à jour par rapport à leur province, leurs victoires et leurs défis.

Linda Silas, présidente de la FCSII, a agi comme modératrice et à exprimer sa gratitude aux infirmières et aux infirmiers pour leur dévouement et leur travail. Elle a souligné le ton sérieux du panel et le besoin de s’attaquer aux enjeux importants pendant la Semaine nationale des soins infirmiers.

James Buchan, Ph. D., chercheur principal à la Health Foundation de Londres, R.-U., a été le premier à parler. Il a souligné que le fait de s’appuyer sur la résilience du personnel infirmier n’est pas la solution adéquate. L’ampleur de l’impact émotionnel et du burn-out, actuels et potentiels, au sein de la main-d’œuvre infirmière est énorme, a-t-il expliqué.

Buchan précise que, dans le but d’assurer une viabilité à long terme, chaque pays a besoin de plans exhaustifs pour protéger la main-d’œuvre infirmière et investir dans cette dernière. Ces stratégies devraient mettre l’accent sur améliorer le maintien en poste et assurer suffisamment de formation adéquate dans le pays. À l’échelle internationale, il est crucial de reconnaître la vulnérabilité de la main-d’œuvre infirmière dans les pays à faible revenu, affectés davantage par la pandémie.

La Colombie-Britannique a déjà suivi certains conseils de Buchan. Aman Grewal, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie-Britannique, a partagé des nouvelles positives au sujet de l’engagement de la C.-B. à réglementer les ratios infirmière-patients, devenant ainsi la première province canadienne à le faire.

« Je suis très enthousiaste et optimiste car nous avons le potentiel de faire une différence avec des ratios dont pourront bénéficier mes collègues infirmières et infirmiers, et les patients », souligne Grewal. « Nous savons que les ratios en personnel ne pourront pas, seuls, régler la crise des ressources humaines en santé. Des stratégies efficaces de recrutement, ainsi que des investissements, doivent aussi être mis en œuvre pour offrir la relève nécessaire pour que les ratios portent fruits. »

Janet Hazelton, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers de la Nouvelle-Écosse, a parlé des initiatives du gouvernement de sa province, y compris garantir des emplois à temps plein aux nouvelles et nouveaux diplômés de tous les secteurs de soins, et offrir des incitatifs financiers, dont des primes de maintien en poste. Les efforts du gouvernement de la Nouvelle-Écosse visent à régler les problèmes liés au recrutement et au maintien en poste dans la province.

« Notre gouvernement, notre premier ministre actuel, a été élu en raison de sa promesse de remettre les soins de santé sur pied, et lui et son équipe ont pris cela très au sérieux », souligne Hazelton. « Ce gouvernement a promis de verser à chaque … infirmière une prime de 10 000 $ en guise de remerciement. Si une infirmière décide de rester pour deux autres années, elle reçoit un autre 10 000 $. Donc, les infirmières et les infirmiers de notre province reçoivent 20 000 $ pour demeurer en poste dans notre province, ce qui est vraiment très bien. »

Barbara Brookins, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers de l’Île-du-Prince-Édouard, a mis en relief le récent accord de principe conclu avec l’employeur après deux années sans convention collective. L’entente comprend des mesures incitatives pour le personnel infirmier ayant de longues années de service, et des primes pour le travail par quart, dans le but de régler les problèmes liés aux régions où le recrutement est difficile.

« [L’entente] va, en fait, nous fournir au moins une base de référence pour recruter », explique Brookins. « Alors, ce que nous observons en ce moment c’est beaucoup de reconnaissance pour le maintien en poste, et c’était quelque chose de gros chez nos membres. »

Eyasu Yakob, président de l’Association des étudiant(e)s infirmier(ère)s du Canada, a expliqué « qu’investir dans les étudiants en sciences infirmières c’est investir dans l’avenir des soins de santé. » Il précise que, en offrant un soutien aux étudiantes et aux étudiants, nous pouvons contribuer à assurer qu’ils soient préparés à surmonter les défis d’un système qui évolue rapidement. Ce soutien peut prendre la forme d’aide financière, de mentorat et de ressources éducatives. Ultimement, offrir du soutien à ces personnes va mener à de meilleurs résultats pour les patients et à un système de soins de santé plus robuste.

Darlene Jackson, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du Manitoba, mentionne les défis dans sa province en raison du programme d’austérité du gouvernement. La pénurie de personnel infirmier engendre des problèmes dans les salles d’urgence et affecte les soins aux patients, particulièrement pour les victimes d’agression sexuelle.

« Nous avons perdu neuf de nos infirmières chargées des examens après agression sexuelle. Des victimes d’agression sexuelle et de violence conjugale se présentent à notre département … on leur demande de retourner à la maison, de ne pas prendre de douche, et de revenir dans huit ou 16 heures lorsqu’une infirmière sera disponible pour faire l’examen », mentionne Jackson. « Par conséquent, nous avons un programme qui échoue. Nous avons des victimes d’agression sexuelle qui ne sont pas traitées. »

Jackson souligne le besoin de faire participer aux processus décisionnels des fournisseurs de première ligne, par exemple des infirmières, afin de trouver des solutions efficaces.

Juste à côté, en Saskatchewan, Tracy Zambory, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers de la Saskatchewan, mentionne des préoccupations similaires relativement à la pénurie de personnel infirmier dans sa province.

« C’est vraiment épeurant. À l’hôpital pour enfants Jim Patterson, il y a des périodes où la capacité dépasse 300 pour cent », explique Zambory. « Les familles attendent dans leur auto dans le parc de stationnement avec des enfants très malades. Et le personnel infirmier autorisé ne sait plus quoi faire. »

Dans le but de régler la pénurie, Zambory demande la mise sur pied d’un groupe de travail qui comprendrait des infirmières de première ligne, des syndicats infirmiers, des organismes de réglementation et des éducateurs afin d’avoir un processus décisionnel fondé sur la collaboration. Les infirmières et les infirmiers ont une richesse des savoirs ainsi que les solutions pour régler la crise dans le secteur infirmier de la Saskatchewan, a-t-elle conclu.

Yvette Coffey, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers autorisés de Terre-Neuve-et-Labrador, a parlé des progrès réalisés dans sa province, y compris la mise sur pied d’un groupe de réflexion sur les soins infirmiers, et des améliorations par rapport au recrutement et au maintien en poste. Toutefois, il y a encore des défis, notamment la pénurie de personnel infirmier autorisé, et la nécessité d’offrir de meilleurs salaires pour maintenir en poste le personnel infirmier expérimenté.

« Nous avons une relation plutôt axée sur la collaboration avec notre ministère de la Santé et notre premier ministre », mentionne Coffey. « Je ne me retiens pas, et une de [nos tâches] sera l’argent. Nous devons remettre de l’argent dans notre système public de soins de santé, financé par l’État. »

Parlant de meilleur financement public de la prestation des soins de santé, Heather Smith, présidente des Infirmières et infirmiers unis de l’Alberta, met en relief les dangers de la privatisation des soins de santé. Elle mentionne son inquiétude par rapport au sous-financement des soins de santé par le gouvernement, ce qui a mené à une crise qu’il utilise comme excuse pour mettre de l’avant la privatisation.

« C’est impératif en Ontario, comme ce l’est encore en Alberta, de ne jamais parler de financement public [des soins de santé] sans parler de la prestation publique, parce que c’est, et cela a été prouvé, la meilleure façon pour les contribuables d’en avoir plus pour leur argent », explique Smith.

En Ontario, le gouvernement Ford continue à foncer vers le soins privés à but lucratif aux dépends de la santé des personnes de l’Ontario et de leur porte-monnaie, mentionne Angela Preocanin, première vice-présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario.

« Le premier ministre Doug Ford a fabriqué la crise des ressources humaines en santé dans les hôpitaux avec la restriction salariale amenée par son projet de loi 124, et il suit à la lettre les directives du programme privatisation. Nous savons que les cliniques privées s’approprient le financement provincial devant aller aux soins hospitaliers publics. Nous savons que les cliniques privées puisent leur personnel à partir des hôpitaux publics. Nous savons que les cliniques privées filtrent les patients et acceptent seulement ceux qui présentent des cas simples. »

Paula Doucet, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick, parlent des efforts pour privatiser les soins de santé dans sa province, et de l’impact négatif sur le système public.

« Nous avons aussi, au Nouveau-Brunswick, un premier ministre qui met de l’avant le privé à but lucratif, qui prend les dollars des contribuables et les transfère … dans des entités privées à but lucratif. Cela draine le système public. Et davantage d’infirmières et d’infirmiers … quittent le système public pour aller vers ces entités privées », explique Doucet. « Nous devons vraiment nous pencher sur comment maintenir nos infirmières et nos infirmiers au sein de notre système, et la privatisation est vraiment la dernière chose que nous voulons faire. »

Adriane Gear, première vice-présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie-Britannique, a célébré la décision récente de la Cour suprême qui a fait observer les lois protégeant l’équité d’accès aux soins de santé, et interdisant la surfacturation. Elle a souligné le rôle joué par le personnel infirmier pour sensibiliser au sujet de la surfacturation, et a demandé de continuer à déployer des efforts pour que les fonds alloués aux soins publics demeurent dans le système public.

« Nous sommes vraiment ravis de voir que le plus haut tribunal au Canada fait observer les lois assurant l’équité d’accès aux soins de santé », mentionne Gear. « L’interdiction de surfacturer est un mécanisme essentiel pour protéger le régime d’assurance-maladie. »

Pauline Worsfold, présidente de la Coalition canadienne de la santé, a souligné l’importance de privilégier les soins aux patients plutôt que les profits. Elle a parlé de l’étude menée par la Coalition sur la surfacturation, et des disparités de coûts entre les cliniques privées à but lucratif et les établissements publics de soins de santé.

« Je suis une infirmière travaillant à la salle de réveil, et de grosses, grosses élections sont à venir … en Alberta et au Manitoba. Je vais encourager chaque infirmière et chaque infirmier qui, cette année, ira aux urnes lors de l’élection provinciale, à voter comme si leur vie en dépendait. Ils doivent voter pour un parti, pour une personne qui va mettre de l’avant les soins publics, dispensés et financés par l’État, et que chaque personne au Canada mérite », précise Worsfold. « Les profits s’en moquent si vous êtes malade, les profits s’en moquent du niveau de prestation des soins aux patients. Pas nous, infirmières et infirmiers d’un océan à l’autre, pas nous. »

Vous pouvez visionner un montage de cette discussion ici :