Nous avons eu, récemment, la Semaine des infirmières et des infirmiers praticiens. Ce n’est pas grave si vous n’avez jamais entendu parler des infirmières et des infirmiers praticiens. C’est le cas pour la plupart des personnes au Canada. De plus, la plupart ne sont pas conscients de la valeur du personnel infirmier praticien au sein de notre système de soins de santé.
Vous serez encore plus surpris d’apprendre que les infirmières et les infirmiers praticiens pourraient être la solution innovatrice – ou, du moins, une partie importante de la solution – aux problèmes permanents dans le secteur des soins de santé.
Selon la sagesse traditionnelle, le Canada a besoin d’un plus grand nombre de médecins pour assurer l’accès, en temps opportun, aux services de santé. Or, l’augmentation du nombre de médecins au Canada a pris une avance considérable par rapport à la croissance de la population canadienne pendant une décennie. Malgré cela, à chaque jour, nous entendons parler de personnes qui n’ont pas accès à un médecin de famille.
À chaque fois, le Canada obtient se classe mal dans le cadre des sondages internationaux sur l’accès, en temps opportun, aux soins de santé primaires, notamment l’accès à un médecin de famille. Lorsque cela survient, les patients recourent souvent à des services de santé plus dispendieux dispensés par le secteur des soins actifs et se présentent plutôt aux salles d’urgence des hôpitaux. Par conséquent, nos établissements de soins actifs sont au maximum de leur capacité.
Quelle est la solution? Les faits récents offrent des leçons potentielles.
En réaction à une pénurie perçue de médecins, la Loi canadienne sur la santé a été amendée au début des années 1980 afin que les provinces puissent permettre aux infirmières et infirmiers de pratiquer la médecine en qualité d’infirmières et d’infirmiers praticiens. Ces personnes sont des professionnels de la santé hautement qualifiés et scolarisés pouvant poser un diagnostic, traiter, prescrire des médicaments, demander des tests, référer, admettre des patients à l’hôpital ou leur donner leur congé de l’hôpital.
Souvent, les infirmières et les infirmiers praticiens dépassent les modèles traditionnels de soins médicaux et, grâce à l’éducation des patients, ils font la promotion de la santé holistique, ainsi que la prévention des maladies.
Alors, sont-ils efficaces? Très.
Des décennies de données rigoureuses démontrent que le personnel infirmier praticien améliore l’accès à des soins personnalisés, efficients, de grande qualité qui permettent de diminuer les temps d’attente et les coûts dans l’ensemble du système de soins de santé. Cette approche axée sur le patient convient très bien aux patients présentant des problèmes de santé multiples et chroniques. Les infirmières et les infirmiers praticiens sont particulièrement indispensables pour offrir des services de santé à la population croissante des aînés, aux populations autochtones et aux personnes vivant en région rurale ou éloignée.
Nous ne sommes pas le premier pays à innover de cette façon.
Les États-Unis ont commencé à intégrer intensivement le personnel infirmier praticien après la création d’un programme de formation en 1965. Grâce à un effort concerté, le nombre d’infirmières et d’infirmiers praticiens a doublé en une décennie; on compte maintenant plus de 248 000 infirmières et infirmiers praticiens autorisés aux États-Unis.
Par contre, le processus d’intégration des infirmières et des infirmiers praticiens, et d’augmentation de leur nombre, au sein du système des soins de santé du Canada, a été semé d’embuches. Afin de trouver des réponses, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers (FCSII) a mené, récemment, le plus grand sondage auprès des infirmières et des infirmiers praticiens du Canada.
Les résultats ont été très éclairants… et décevants.
Les données révèlent que même si les infirmières et les infirmiers praticiens ont le potentiel de régler des problèmes urgents en matière d’accès aux soins, ils sont pratiquement absents ou sous-utilisés dans la plupart des régions du Canada.
Les obstacles engendrés par les restrictions législatives, régulatrices ou en matière de politiques, ainsi que les problèmes liés au financement et au remboursement, sont les défis à l’intégration des infirmières et des infirmiers praticiens partout au pays. Il y a aussi l’opposition venant de certains groupes d’intérêts, ainsi que les défis à la mise en œuvre à l’échelon organisationnel.
Plus important encore, le Canada compte seulement 14 infirmières ou infirmiers praticiens par 100 000 de population, comparativement à 76 par 100 000 de population aux États-Unis. Et, actuellement, plus de la moitié des infirmières et des infirmiers praticiens travaillent en Ontario seulement, ce qui signifie que la plus grande partie du pays est laissée de côté.
Nous ne tirons pas avantage de la capacité des infirmières et des infirmiers praticiens pour améliorer l’accès dans le secteur de la santé et réduire les coûts dans l’ensemble du système.
Le mot à la mode dans le secteur des soins de santé est innovation. Souvent, nous nous tournons vers les nouveaux instruments de haute technologie et les applications sur ordinateur. Or, les infirmières et les infirmiers praticiens sont, depuis longtemps, une innovation au sein du secteur de la santé qui a fait ses preuves à répétition. Le temps est venu pour la mise en œuvre.
Quelques excellents exemples pourraient être mis en œuvre dans tout le pays.
Les cliniques mobiles au Manitoba offrent un excellent modèle. Dans ces cliniques, les infirmières et les infirmiers praticiens, ainsi que le personnel infirmier autorisé, dispensent des soins primaires sur place aux personnes vivant dans de plus petites collectivités mal desservies. En Ontario, les cliniques dirigées par des infirmières et des infirmiers praticiens, ainsi que les modèles de centre de soins communautaires offerts par le personnel infirmier praticien, sont des pratiques pouvant facilement être mises en œuvre à l’échelle du pays.
Les infirmières et les infirmiers praticiens sont, pour le Canada, une occasion innovatrice de répondre aux besoins croissants dans le secteur de la santé, particulièrement au sein des populations, des collectivités et des régions mal desservies. Le temps est venu pour les gouvernements et les employeurs de joindre les rangs et éliminer les derniers obstacles à l’utilisation des infirmières et des infirmiers praticiens.
Nous devrions investir dans la gamme complète de services de soins de santé primaires afin d’augmenter l’accès pour toutes les personnes du Canada.
Linda Silas est infirmière et est présidente, depuis 2003, de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers comptant 200 000 membres. Ivy Lynn Bourgeault est titulaire de la Chaire de recherche de l’IRSC sur le genre, le travail et les ressources humaines en santé, située à l’Université d’Ottawa, et à la tête du projet Renforcement du pouvoir des dirigeantes dans le secteur de la santé. Les deux contribuent au EvidenceNetwork.ca situé à l’Université de Winnipeg.