Article d’opinion paru dans le Telegraph-Journal le mardi 17 juillet 2018
Arguments en faveur d’un régime national d’assurance-médicaments
LINDA SILAS
ARTICLE D’OPINION
Cette semaine, pendant que plusieurs fuient la chaleur en trouvant un coin d’ombre et un breuvage froid, les premiers ministres provinciaux et territoriaux se réunissent à St. Andrews pour passer aux choses sérieuses. Le différend commercial avec les États-Unis sera au programme mais on peut s’attendre à ce que le régime national d’assurance-médicaments soit bien en évidence.
Comme l’ont affirmé les infirmières et les infirmiers depuis des décennies, un régime national d’assurance-médicaments est une mesure longtemps attendue qui relève du bon sens, et qui sera bénéfique pour les patients, les soins de santé publics et les contribuables. C’est vraiment une politique qui devrait être appuyée par les premiers ministres de tous les partis.
Le Dr Eric Hoskins, président du Conseil consultatif sur la mise en œuvre du régime national d’assurance-médicaments, sera sur place, aux côtés des représentants des infirmières et des infirmiers du Canada, pour amorcer la discussion sur les enjeux sur le plan financier et de la santé. Le Conseil consultatif mènera des consultations tout l’été, et des tables rondes devraient se tenir dans les principales villes du pays.
La mosaïque actuelle de régimes couvrant les médicaments sur ordonnance est un désordre total, inefficace et coûteux. Avec plus de 100 000 régimes privés et publics au Canada, le prix, par habitant, des médicaments sur ordonnance atteint maintenant le troisième rang parmi les prix les plus élevés. En raison de ce système gonflé et inefficace, nous gaspillons 7,3 milliards de dollars par année, soit 14 000 $ à chaque minute de chaque jour, dans le secteur de la santé.
Pendant que des millions de personnes au Canada ont de la difficulté à payer les médicaments dont elles ont désespérément besoin, les compagnies pharmaceutiques et les compagnies d’assurances privées se remplissent les poches en vendant les médicaments à différents prix selon l’acheteur, et en chargeant des frais aux employeurs, aux syndicats et aux employés pour administrer les régimes privés d’assurance-médicaments. Plus perturbant encore est le fait qu’une étude récente, publiée par la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers, confirme ce que le personnel infirmier sait depuis très longtemps : le système actuel engendre des pertes de vie à chaque jour et envenime la santé de dizaine de milliers d’autres à chaque année.
Des décennies d’études nous confirment que le fait de mettre nos ressources et notre pouvoir de négociation en commun, dans le cadre d’un seul régime universel, va générer des économies allant de 4 à 11 milliards de dollars par année. Ces fonds pourraient être réinvestis pour améliorer le système de soins de santé, notamment les soins aux aînés, les soins de longue durée, les soins à domicile, la santé mentale et les services dans les communautés autochtones.
Offrir un système public de soins de santé est complexe et exige de nombreuses ressources. Les premiers ministres du Canada le savent car, après tout, ils sont déjà responsables d’administrer un tel système. Ils devraient se tourner du côté du gouvernement fédéral pour qu’il assume une plus grande part du fardeau financier et contribue à régler le problème de notre système de couverture des médicaments en mettant en œuvre un régime unique qui se traduira en économies et en efficacité.
Pendant les étapes qui mèneront à un régime public de couverture des médicaments, le gouvernement fédéral devra jouer un rôle important, notamment financer une part substantielle du régime et assurer une distribution équitable des économies entre les provinces. Les infirmières et les infirmiers se joignent aux premiers ministres pour demander au gouvernement fédéral d’exercer un solide leadership et s’engager à fournir le financement nécessaire.
Les provinces et les territoires du Canada ne devraient plus avoir à gérer, seuls, le système de couverture des médicaments sur ordonnance. Le régime universel d’assurance-médicaments devait toujours être un pilier important de notre système national, public et universel de soins de santé.
En fait, le Canada demeure le seul pays développé au monde ayant un système universel de soins de santé qui ne comprend par la couverture universelle des médicaments.
Cette semaine, les enjeux urgents vont, sans aucun doute, ressortir pendant la réunion des premiers ministres mais un fait demeure : malgré nos différences politiques souvent marquées, nous avons de fortes raisons de collaborer pour mettre en place un régime national d’assurance-médicaments avec un ferme leadership de la part du gouvernement fédéral.
Linda Silas est présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers.