Ce qui suit est une republication d’un article qui fait partie de notre magazine: Le Canada au-delà de la COVID. Pour lire l’article dans son contexte original, cliquez ici.
La Dre Courtney Howard est urgentologue et experte reconnue mondialement des impacts des changements climatiques sur la santé. Elle veut diriger la conversation vers le changement climatique. À son avis, une des principales leçons que les militants du climat ont tiré de la pandémie de COVID-19 c’est qu’ils ont besoin d’une approche différente : nous devons laisser tomber le message pessimiste et déprimant, et en adopter un plus affirmatif et habilitant.
Les messages entourant la COVID-19 ont porté fruits, mentionne Howard, parce qu’ils ont rassemblé les experts sur la question et les politiciens, et ont fait savoir aux personnes du Canada qu’elles pouvaient faire partie de la solution. Le message était clair : si vous faites ces choses – porter un masque, rester à la maison, se laver les mains – nous pouvons redresser la situation. Nous sommes tous dans le même bateau.
« Notre santé mentale peut seulement prendre une certaine quantité de mauvaises nouvelles dans une journée », souligne Howard. C’est pourquoi les scientifiques du climat doivent s’éloigner du message catastrophe et se concentrer plutôt sur un nouveau message : un message de type « faisons cette chose cool », comme le formule Howard.
La pandémie de COVID-19 a été suffisamment grave pour galvaniser et mobiliser rapidement la communauté mondiale. C’est le genre d’action que les défenseurs du climat aimeraient voir sur la scène mondiale lorsque vient le temps de contrer les changements climatiques causés par les activités humaines.
Malgré les mises en garde répétées par la communauté scientifique, s’attaquer aux changements climatiques a trop souvent été repoussé du pied. C’était une menace existentielle, mais elle était éloignée. Et, jusqu’à récemment, souligne Howard, notre population n’avait jamais eu à traverser une crise mondiale.
« Maintenant tout le monde sait ce qui se passe pendant une crise, et les personnes sont beaucoup plus motivées à éviter les crises futures car elles sont maintenant plus en mesure de les imaginer. »
À partir de son domicile à Yellowknife, Howard a été directement témoin de la crise du climat. En 2013, lorsque son enfant le plus jeune n’avait qu’un an, la région a été enveloppée de fumée venant d’un incendie de forêt déclenché par des températures inhabituellement chaudes et sèches. Après avoir surmonté un hiver particulièrement froid, les habitants de Yellowknife ont dû passer presque deux mois et demi d’été à l’intérieur parce que la qualité de l’air à l’extérieur était tellement mauvaise.
« Je ne faisais que penser : ‘Wow, qu’est-ce que c’est en train de faire aux poumons de tous ces enfants?’ »
Cette question a incité Howard et ses collègues à explorer comment les incendies de 2014 avaient affecté la collectivité locale. Ils ont découvert que les visites à l’urgence en raison d’asthme avaient doublé au cours de ces mois d’été.
« Lorsque je m’entretiens avec les médias au sujet des incendies de forêt incontrôlés, on me pose, presque toujours, la question : ‘Dre Howard, est-ce que c’est la nouvelle normalité?’ Et, à chaque fois, il faut que je réponde : ‘Non, ça va seulement s’envenimer.’ »
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie la pollution de l’air de « risque environnemental majeur à la santé ». Selon les statistiques de santé 2020 de l’OMS, la pollution de l’air « a causé environ 7 millions de décès en 2016, principalement à la suite d’AVC, de maladie cardiaque, de maladie respiratoire obstructive, de cancer du poumon et d’infections aigues des voies respiratoires ». De son côté, le gouvernement du Canada estime que la pollution de l’air contribue à 15 300 décès prématurés par année.
Et, bien sûr, la pollution de l’air n’est qu’une des inquiétudes engendrées par le changement climatique. Avec les températures à la hausse et un nombre accru d’inondations, le changement climatique peut mener à la prolifération d’agents infectieux, par exemple dengue, malaria, hantavirus, salmonellose, cholera et giardiase. Cela augmente aussi la probabilité de pandémies futures.
« La plupart des nouvelles maladies infectieuses ont comme origine l’interaction humain-animal en raison de transferts zoonotiques », précise Howard. « Pour que cela se produise, il faut des humains, des animaux et des vecteurs à proxi-mité – et une nouvelle proximité. »
« C’est ça que le changement climatique fait : l’habitat est en train de changer, les diagrammes de températures et de précipitations sont en train de changer, et il est possible que nous soyons en train de détruire aussi l’habitat. C’est alors que ces choses arrivent. »
« Les changements climatiques nous mettent à risque de pandémies futures similaires à celle-ci. »
C’est un lien important à faire, et la communauté médicale est en bonne position pour en parler. Les infirmières et les infirmiers, souligne Howard, sont parmi les personnes en qui l’on fait le plus confiance dans notre société, et la profession infirmière se classe parmi les trois professions en qui l’on a le plus confiance. C’est pourquoi la voix du personnel infirmier est désespérément nécessaire pour faire le lien entre le climat et la santé. Le personnel infirmier a le pouvoir de faire avancer la conversation et de mobiliser le soutien.
Howard mentionne qu’elle avait l’habitude de passer beaucoup de temps à parler du problème des changements climatiques mais, en ce moment, elle aime raconter l’histoire de l’abandon graduel du charbon au Canada, qui a été accompli en grande partie en raison de la lutte menée par les professionnels de la santé.
En Ontario, cela a commencé par des efforts communautaires. Dans son rapport sur l’abandon graduel du charbon en Ontario, la International Institute for Sustainable Development souligne comment la Ontario Clean Air Alliance a commencé avec seulement six personnes et est arrivée à rassembler « 90 groupes comprenant plus de 6 millions d’Ontariens venant du secteur de la santé, des syndicats, de groupes environnementaux, de groupes confessionnels et de municipalités. »
Ce mouvement a inspiré des professionnels de la santé partout au Canada et a permis d’obtenir un engagement à l’échelle nationale et internationale. Les ministres canadiens et britanniques de l’Environnement ont créé l’Alliance : Énergiser au-delà du charbon, et cette alliance catalyse le travail dans ce secteur dans le monde entier.
« Vous pouvez constater comment les progrès répétitifs inspirent d’autres personnes », souligne Howard. « Et nous l’avons fait. Nous savons que nous pouvons le faire. Et ce sont des messagers du secteur de la santé qui ont ouvert la voie. »
Du point de vue de la santé mentale, agir donne un sentiment de satisfaction, explique Howard. Cela nous aide non seulement à nous sentir inspirés, mais cela peut aider à diminuer notre anxiété par rapport au changement climatique. Et l’action à l’échelle locale est infectieuse : de petites victoires alimentent l’espoir, et l’espoir redonne de l’élan.
Lorsqu’il est question de changement climatique, le pouvoir du peuple est particulièrement vital.
Lorsque le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) a analysé les activités de lobbying de l’industrie des combustibles fossiles, ils ont découvert 11 452 contacts aux fins de lobbying avec le gouvernement sur une période de sept ans.
Selon le CCPA, l’industrie des combustibles fossiles a fait pression sur le gouvernement « a un taux cinq fois plus élevé que les organisations environnementales non gouvernementales. »
« Nous sommes complètement écrasés par la puissance de leurs ressources en matière de communication et de lobbying », souligne Howard. « Et c’est, je crois, le plus gros obstacle. Par contre, notre mouvement a l’avantage d’avoir les gens. »
Howard imagine l’impact que le personnel infirmier pourrait faire pour contrer les lobbyistes des combustibles fossiles. Elle aimerait voir les infirmières et les infirmiers, armés de présentations PowerPoint et de documents d’information, prendre rendez-vous avec leur député pour exposer les liens entre la santé et les changements climatiques, et pour leur faire comprendre pourquoi nous avons désespérément besoin de mesures ambitieuses pour protéger la santé de la population canadienne en combattant les changements climatiques causés par les activités humaines.
« Je ne crois pas qu’il y aurait de meilleure façon de faire bouger les choses dans l’ensemble du Canada », conclut-elle.
« Je travaille avec des infirmières et des infirmiers depuis longtemps; je fais ce qu’ils disent. »
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Dr. Courtney Howard is an Emergency Physician, a professor at the University of Calgary, and former president of the Canadian Association of Physicians for the Environment (CAPE). For years, Dr. Howard has led climate change-related policy and advocacy work, including the 2017-2019 Lancet Countdown on Health and Climate Change Briefings for Canadian Policymakers, and acting as International Policy Director for the Lancet Countdown in 2018. Working with the World Health Organization Civil Society Working Group on Climate Change and Health, Dr. Howard’s advocacy, backed by a majority of the world’s health professionals, helped launch a Healthy Recovery initiative calling on G20 leaders to focus on low-carbon investments.
To read more on this topic:Pour en savoir davantage à ce sujet : Climate Change and Health présente des étapes et des mesures concrètes pouvant être adoptées par le personnel infirmier pour contrer les changements climatiques. Les infirmières et les infirmiers connaissent le lien étroit entre la santé du patient et son environnement. Le document énumère les défis majeurs que devront surmonter l’humanité et le secteur de la santé en raison de l’élévation continue des températures moyennes. On y incite le personnel infirmier à reconnaître les impacts des changements climatiques sur la santé, et la nécessité pour nous tous de faire davantage pour réduire l’impact sur la planète et se préparer aux défis à venir. |
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