Les niveaux de dotation axés sur la sécurité sauvent des vies. Or, selon les experts ayant participé à la séance plénière d’hier, la sécurité de la dotation est le plus important problème auquel est confronté le personnel infirmier du monde entier.
Ce qui a été dit lors de la séance plénière tenue mercredi matin, n’a fait que confirmer ce que les délégué(e)s présent(e)s savaient depuis longtemps : des niveaux de dotation axés sur la sécurité améliorent les résultats des patients, la satisfaction du personnel infirmier, le maintien en poste et le recrutement. Le panel international était composé de Linda McGillis Hall, Ph. D., Université de Toronto, Walter Sermeus, Université de Louvain en Belgique, Phil Ni Sheaghdha, Irish Nurses and Midwives Organisation, Deborah Burger de National Nurses United et Judith Kiejda, New South Wales Nurses and Midwives Association. Chacun a parlé ce qui se passe dans son propre pays.
Kiejda a débuté la séance en parlant de son expérience personnelle des ratios infirmière-patients. Elle a dit : « Je voyage souvent de part le monde et je peux vous dire que la dotation axée sur la sécurité est le plus important problème auquel est confronté le personnel infirmier du monde entier, sans exception. »
Malheureusement, le Canada a mis du temps avant de reconnaître la nécessité d’avoir des niveaux sécuritaires de dotation. Le fait qu’il n’y a pas d’études menées au Canada envenime les choses. Reconnaissant cette lacune, l’AIIO ouvre la voie en collaborant avec McGillis Hall pour mener la première étude de type RN4Cast au Canada. Selon McGillis Hall, les principales inquiétudes du personnel infirmier de l’Ontario sont : le burn-out, le manque de satisfaction au travail, et les hôpitaux qui manquent de personnel. On s’inquiète aussi par rapport aux nouvelles et nouveaux diplômés entrant sur le marché du travail.
Sermeus a parlé de la situation actuelle relativement aux ratios infirmière-patients en Europe et de leur évolution. Selon l’étude RN4Cast, il y a un lien direct entre le nombre de patients par infirmière et la mortalité des patients.
« Nous observons un déclin du taux de mortalité lorsque vous avez à vous occuper d’un moins grand nombre de patients. Les niveaux de dotation sauvent vraiment la vie des patients. »
Selon Sermeus, il n’y a pas de ratio magique. Toutefois, certains pays essaient d’y arriver et se tournent vers la législation ou vers des recommandations douces pour établir un niveau de base.
« Il faut augmenter les niveaux de dotation. Comment vous vous y prenez m’importe peu. Ils doivent tout simplement augmenter. »
Ce sentiment trouve écho chez Burger qui lutte pour une législation fédérale aux États-Unis qui obligerait les hôpitaux à avoir des ratios infirmière-patients.
« Il n’y a pas de pénurie de personnel infirmier. Il y a une pénurie d’infirmières et d’infirmiers disposés à travailler dans les zones sinistrées que sont les hôpitaux sans ratios. »
Parce que toutes les provinces canadiennes sont aux prises avec une pénurie croissante de personnel infirmier (et la ressentent!), la FCSII a commandé une étude nationale qui sera dirigée par McGillis Hall. Le but est d’aider les gouvernements, et les principales organisations du secteur de la santé, à trouver des solutions à la crise anticipée. Le sondage national sur la dotation ciblera le personnel infirmier (IA, I.I., IP, IAA) de tous les secteurs. Des données seront recueillies sur les niveaux de dotation, la charge de travail, le burn-out et l’éducation. Gardez l’œil ouvert. Votre syndicat vous fournira les informations nécessaires pour que vous ayez la chance de participer!
Max FineDay descend d’une lignée de conteurs de la Première Nation Sweetgrass, réserve Cri en Saskatchewan. Pour les Cris et plusieurs autres Premières Nations, le récit est un puissant outil d’enseignement. Les membres ayant assisté à l’atelier de FineDay, hier, ont eu l’expérience directe du pouvoir du récit.
Pour commencer, FineDay a exposé le récit compliqué qui a mené au besoin de réconciliation. De façon enjoué, il a comparé ce volet de l’histoire du Canada à une relation amoureuse qui éclate.
Les Premières nations rencontrent les colonialistes européens. Ils commencent à communiquer, apprennent les uns des autres, et font des échanges. Ils aménagent ensemble trop vite alors ils décident d’établir quelques règles de base. Le Canada rompt les promesses faites aux personnes des Premières Nations dans le cadre des traités numérotés. La relation éclate et, maintenant, le Canada regrette et essaie de se réconcilier.
Certes, le récit est beaucoup plus compliqué que cette version. La blessure causée aux personnes des Premières Nations au cours de ce volet de notre histoire est inimaginable. Dix années se sont écoulées depuis la Commission de vérité et réconciliation; selon FineDay, les choses se sont améliorées mais le processus de réconciliation n’est pas une ligne droite.
Après avoir créé un espace facilitant le dialogue et le partage d’histoires émouvantes, un thème commun est ressorti : les infirmières et les infirmiers veulent faire davantage. Ils veulent jouer un rôle majeur dans le processus de réconciliation mais comment peuvent-ils contribuer?
FineDay pense que participer à un atelier comme celui d’hier est un excellent premier pas; nous pouvons tous apprendre en partageant nos expériences.
Cela s’est avéré vrai quand Juanita Rickard, vice-présidente de l’Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, a pris la parole pour dire aux participant(e)s ce que fait son organisation pour améliorer la santé des personnes autochtones.
« Se joindre à notre association permet de donner un élan au mouvement de réconciliation en fournissant aux membres des informations, des ressources et de la formation pour promouvoir une meilleure santé chez les personnes autochtones, tout en cultivant des milieux de soins respectueux », souligne Rickard.
Et, bien sûr, les récits sont des outils extraordinaires. FineDay suggère d’écouter les histoires et de les partager avec sa famille, ses collègues et ses amis. Repoussez votre instinct d’éviter les conflits. Rectifiez plutôt les informations erronées et reconnaissez les préjudices. Poser des questions, dire les vérités, et accepter tous les volets de notre histoire – le bon, le mauvais et l’affreux – peut faciliter la compréhension et promouvoir le changement.
FineDay a terminé en parlant du rôle que peuvent aussi jouer les syndicats dans le processus de réconciliation.
« Je sais le pouvoir que vous avez. Les travailleurs et les syndicats ont énormément à faire pour maintenir la pression sur le gouvernement et les employeurs. Pour contribuer à la réconciliation, vos syndicats peuvent être à la tête de grands changements dans ce pays. »
Le trouble lié à l’usage d’une substance et la dépendance à une substance sont des maladies qui peuvent toucher tout le monde, y compris le personnel infirmier. Nous devrions tous connaître les signes précurseurs et signaler les comportements problématiques. Voilà le message communiqué à environ 50 infirmières et infirmiers qui ont participé à l’atelier sur les troubles liés à l’usage de substances dans le secteur infirmier.
Les facilitatrices, Susanne Priest, de l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick, et Lilo Wessels, du Syndicat des infirmières et infirmiers de la Nouvelle-Écosse, ont commencé l’atelier en démontrant jusqu’à quel point ces maladies sont répandues. Elles ont demandé aux participant(e)s de lever la main s’ils connaissaient un(e) ami(e) ou un membre de la famille aux prises avec un problème lié à l’usage d’une substance, et presque tous ont levé la main.
Les problèmes de dépendance perturbent tous les volets de la vie d’une personne. Pour plusieurs, l’abus de drogues ou d’alcool a des répercussions qui vont au-delà de leur santé physique et mentale. Cela peut entraîner des problèmes sur le plan juridique, par exemple accusation pour avoir conduit avec les facultés affaiblies, conflits au travail ou à la maison et, éventuellement, des accusations au civil ou au criminel. Les participant(e)s ont appris que les personnes aux prises avec un problème de dépendance affichent des signes comportementaux communs. Par exemple, outre les signes plus flagrants généralement associés aux facultés affaiblies, ces personnes affichent souvent des signes plus subtils, par exemple diminution de leur rendement au travail et absentéisme.
Les infirmières et les infirmiers ont été fortement encouragés à signaler les comportements problématiques à leur employeur qui, en fin de compte, est responsable de faire enquête dans de tels cas. Si rien n’est fait, l’infirmière pourrait perdre son permis et son travail.
Pendant l’atelier, les faits et les statistiques cités ont eu de quoi faire réfléchir. Par exemple, 98 pour cent des personnes souffrant d’un trouble lié à l’usage d’une substance ont des problèmes sous-jacents de santé mentale, dont l’anxiété ou la dépression. Parmi celles-ci, 70 pour cent ont été victimes d’un type de violence par le passé, violence physique, sexuelle ou verbale. En général, les personnes aux prises avec un problème de dépendance vivent 10 ans de moins que la population générale. Les études démontrent que ces maladies ont une composante génétique mais personne n’est à l’abri.
Priest et Wessels ont souligné que, en raison de la stigmatisation, ces personnes hésitent à admettre qu’elles ont une maladie ou à recourir à un traitement. Le principe directeur est de toujours traiter les personnes souffrant d’un tel trouble avec compassion, dignité et respect. Les dépendances à l’alcool ou autres drogues ne sont pas des faiblesses. Il est important de se souvenir de cela et de comprendre pourquoi les personnes qui ont des problèmes de dépendance ont besoin d’aide.
Malgré le sérieux de la conversation, les facilitatrices ont rappelé aux infirmières et aux infirmiers qu’il y avait de l’espoir pour toute personne aux prises avec un problème de dépendance. Les options en matière de traitement se sont révélées très efficaces pour plusieurs substances, y compris l’alcool. Toute personne qui soupçonne qu’elle pourrait peut-être avoir un problème lié à l’usage d’une substance devrait demander de l’aide. Dans le cas du personnel infirmier, les représentantes syndicales peuvent aider le membre au cours du processus de remise de leur permis d’infirmière pendant qu’il ou elle suit un traitement, et l’aider à planifier un retour graduel au travail par la suite.
Est-ce que les soins de santé en général, et le régime national d’assurance-médicaments en particulier, seraient des enjeux électoraux assez convaincants pour désamorcer la haine et l’extrémisme au sein de la politique canadienne?
Sebastian Ronderos-Morgan, facilitateur de l’atelier et agent des relations gouvernementales à la FCSII, a posé la question de la façon suivante : « Quelle est la réponse à l’augmentation de l’extrémisme et à la propagation de la haine? Pouvons-nous utiliser les soins de santé comme moyen d’éliminer cette corrosion dans notre société?
« Si vous pouvez offrir une proposition publique solide, vous pouvez, en fait, diminuer la peur qu’ont les gens de l’instabilité économique », suggère-t-il.
Environ 100 délégué(e)s au congrès biennal de la FCSII ont assisté à l’atelier conçu pour les aider à bien s’outiller pour l’élection fédérale 2019.
Grâce au travail des membres de la FCSII, et à celui d’autres joueurs principaux du secteur de la santé, Ronderos-Morgan mentionne que « c’est la première fois que le régime national d’assurance-médicaments sera un enjeu social prioritaire au Canada. Le militantisme infirmier a réussi à faire de quelque chose qui n’était même pas au programme un enjeu national majeur. »
Toutefois, il met en garde. Les défenseurs du régime doivent intensifier leurs efforts à l’approche de l’élection afin de contrer les joueurs aux poches pleines du secteur des soins privés et celui des assurances car ils sont déterminés à faire obstacle à un régime couvrant les médicaments sur ordonnance, un régime qui serait public et basé sur les principes d’universalité, accessibilité, intégralité, et dont la couverture serait transférable partout au pays.
Kristy Johnston, facilitatrice, infirmière de première ligne de Sudbury, et membre de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario, met en garde les participant(e)s à l’atelier par rapport à ce qui pourrait arriver si un gouvernement non déterminé à protéger les soins de santé publics remportait la victoire à l’automne.
« Le système de soins de santé du Canada fait l’envie du monde entier; c’est ce qui rend le Canada canadien », souligne-t-elle. Mais, en Ontario, sous le gouvernement conservateur du premier ministre Doug Ford, élu il y a un an, « nous menons la lutte de nos vies » pour le sauvegarder.
Johnston met aussi en garde par rapport aux énormes compressions à venir dans le secteur de la santé et qui « s’inscrivent dans le cadre du programme de privatisation du gouvernement. »
« Je ne veux pas regarder dans les yeux de mon enfant ou de mon petit-enfant et dire que nous avons été la génération qui a mené à l’échec des soins de santé publics », ajoute-t-elle. « Nous avons besoin d’une meilleure société et la seule façon d’y arriver c’est par l’action politique. »
Les idées débattues lors de l’atelier sur l’action politique feront partie de la campagne nationale de mobilisation de la FCSII qui sera lancée vendredi pour les délégué(e)s au congrès. Elle va certainement permettre aux personnes du Canada de ne pas oublier les attaques continues dirigées contre les soins de santé publics au moment où ils iront voter à l’automne.
Vous ressentez du stress? Ajoutez votre voix au tout-premier sondage national sur le stress ressenti chez les infirmières et infirmiers. Faites partie du changement!