Whitehorse, Yukon – 21 juillet 2016
La Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers a organisé une séance d’information à l’intention des premiers ministres provinciaux lors de la réunion annuelle du Conseil de la fédération. Au programme du déjeuner-conférence, Exécuter l’ordonnance – le rôle du gouvernement fédéral dans le cadre d’un régime national d’assurance-médicaments, les conférenciers étaient Steven Morgan, Ph. D., professeur à l’Université de la Colombie-Britannique et membre fondateur de Pharmacare 2020, la Dr Ruth Lopert, professeur adjoint à l’Université George Washington et directrice adjointe du Pharmaceutical Policy & Strategy, Management Sciences for Health, à Washington, D.C. Les premiers ministres, ainsi que les principaux acteurs du secteur syndical et de la santé, ont pu entendre de solides arguments en faveur de la mise en œuvre d’un régime universel d’assurance-médicaments au Canada comme prochaine étape dans l’évolution du système canadien de soins de santé.
Le Canada est actuellement le seul pays de l’OCDE dont la couverture universelle assurée par l’assurance-maladie ne comprend pas la couverture des médicaments sur ordonnance. Il en résulte un système à payeurs multiples offrant une couverture fragmentée et inégale, et cela se traduit en pouvoir d’achat dilué et en piètre optimisation des ressources. Le Canada dépense de 30 à 50 % de plus pour les produits pharmaceutiques que 24 autres pays de l’OCDE, y compris plusieurs pays ayant des systèmes de soins de santé comparables.[i] Selon des estimations crédibles, fondées sur des hypothèses conservatrices relativement aux retombées des politiques, le Canada pourrait économiser environ 7 milliards de dollars par année grâce à la mise en œuvre d’un régime public universel d’assurance-médicaments, à payeur unique, et d’un formulaire national permettant une sélection rigoureuse des médicaments; cette sélection serait fondée sur les données probantes et serait faite par les gestionnaires du système, les médecins prescripteurs et les patients.[ii] Ces économies dans les programmes de soins de santé gouvernementaux pourraient être réinvesties dans le système de soins de santé au bénéfice des aînés, des peuples autochtones, et du Canadien sur cinq souffrant de problèmes de santé mentale.
Si l’on compare le Canada à l’Australie, fédération ayant aussi un système à payeur unique appelé Medicare, nous pouvons « emprunter » plusieurs mesures en matière de politiques. Premièrement, il est évident, à la lumière de l’expérience australienne relative à l’assurance-médicaments, que le gouvernement fédéral du Canada offre une plus grande capacité d’augmenter les revenus, partager les risques, réglementer les prix, et assurer une équité pancanadienne par rapport à l’accès aux traitements pharmaceutiques. Deuxièmement, un régime national d’assurance-médicaments éliminerait les pressions à la fois financières et politiques exercées sur les provinces et les territoires, ce qui s’avère vraiment impératif. Troisièmement, un régime national d’assurance-médicaments a le potentiel d’assurer une couverture uniforme et équitable partout au Canada et, par conséquent, améliorer de façon significative les résultats en santé. Quatrièmement, un régime national d’assurance-médicaments permettrait de contenir efficacement le coût des médicaments. Finalement, un régime national d’assurance-médicaments, assorti d’un formulaire national qui s’appuie sur des évaluations fondées sur les données probantes et visant à comparer l’efficacité du médicament et l’efficacité par rapport au coût, pourrait faire en sorte que la sécurité, la pertinence et l’optimisation des ressources soient des priorités.
[i] Morgan, S.G. (2016, April 18). Témoignage de Steve Morgan, Ph. D., devant le Comité permanent de la santé qui examine l’élaboration d’un régime national d’assurance-médicaments. Tiré de http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Mode=1&Parl=42&Ses=1&DocId=8197723&Language=F
[ii] Morgan, S.G., Law, M., Daw, J. R., Abraham, L. et Martin, D. (2015). Estimated Cost of Universal Public Coverage of Prescription Drugs in Canada. Canadian Medical Association Journal (CMAJ), 187(7): 491–97. doi:10.1503/cmaj.141564.
Tout comme le Canada, l’Australie est une fédération. Elle comprend six États et deux territoires. Le système de soins de santé, Medicare, est conçu selon un modèle à payeur unique, il est financé grâce aux impôts et offre une couverture universelle à tous les habitants de l’Australie. Un principe-clé du Medicare australien est l’accès universel et équitable pour tous, qu’importe la capacité à payer.
Les dépenses de santé par habitant au Canada sont similaires à celles de l’Australie. Toutefois, il y a une grande différence par rapport aux dépenses totales en produits pharmaceutiques. L’Australie offre une couverture universelle des médicaments grâce à un régime fédéral, et a dépensé environ 18 milliards de dollars (CAN) en 2013 pour une population de 23,1 millions. Le Canada a dépensé environ 35 milliards de dollars (CAN) pour une population de 35,1 millions. Cela signifie 997 $ par personne au Canada comparativement à 779 $ par personne en Australie. Ainsi, l’Australie a dépensé 21,9 % de moins par habitant pour les médicaments (2014).[i]
Une composante importante du Medicare australien est le Pharmaceutical Benefits Scheme (PBS) qui finance l’accès universel aux médicaments sur ordonnance pour les patients externes. Plus de 80 % des médicaments sur ordonnance dispensés en Australie sont financés par le PBS et la majeure partie de ce qui reste est dispensée par les hôpitaux publics. Le marché privé des médicaments sur ordonnance demeure très petit. Le gouvernement fédéral du Canada finance seulement 2 % du coût annuel des médicaments sur ordonnance par l’intermédiaire de ses régimes publics d’assurance-médicaments.[ii]
Le PBS est assujetti à une politique nationale sur les produits pharmaceutiques qui accorde priorité à l’équité, au coût abordable et à l’efficacité par rapport au coût. Il s’agit d’un régime dicté par la demande et s’appuyant sur un seul formulaire national. La contribution du patient consiste en deux niveaux de quotes-parts fixes, indépendantes du coût du médicament.
Inscrire un médicament au formulaire national exige une évaluation, fondée sur les données probantes, de son efficacité comparativement au traitement le plus susceptible d’être remplacé dans la pratique. L’évaluation tient aussi compte de l’optimisation des ressources. Selon la législation australienne, un médicament plus coûteux (que le comparateur) ne peut faire partie de la liste, sauf s’il offre un avantage thérapeutique supérieur pour au moins quelques patients. Un médicament d’efficacité similaire peut faire partie de la liste s’il ne coûte pas plus cher que ceux qui y sont déjà. Un comité d’experts chargé du formulaire national fait des recommandations, mais la décision finale d’ajouter un médicament sur la liste revient au ministre de la Santé. Toutefois, le ministre ne peut ajouter un médicament au formulaire si ce dernier n’a pas été recommandé positivement par le comité.
Le PBS de l’Australie est un régime fédéral et le fait qu’il « appartienne » au fédéral réduit le fardeau financier et politique des États et des territoires. Il assure aussi l’uniformité de la couverture et de l’accès dans tout le pays, tout en s’harmonisant à l’objectif d’équité de la politique nationale sur les produits pharmaceutiques. Le public, les professionnels de la santé, les États et les territoires, et même plusieurs secteurs industriels, sont en faveur du PBS car ils reconnaissent que la liste du PBS garantit un marché. Les fondements législatifs sous-jacents au processus pour inscrire un médicament au formulaire réduisent les pressions politiques exercées sur le gouvernement et assurent l’optimisation des ressources pour tous les Australiens. Le pouvoir de monopsone du gouvernement est un facteur-clé pour contenir les coûts et assurer l’optimisation des ressources pour le public australien.
[i] Statistiques de l’OCDE sur la santé 2016 et Australian Institute for Health & Welfare (AIHW), 2016.
[ii] Institut canadien d’information sur la santé (ICIS). (2015). Tendances des dépenses nationales de santé, 1975 à 2015. Tiré de https://secure.cihi.ca/estore/productSeries.htm?locale=fr&pc=PCC52
Un régime universel d’assurance-médicaments est possible et représente un changement transformateur. Toutefois, cela est impossible sans un important investissement et engagement de la part du gouvernement fédéral. Un tel régime permettrait d’améliorer la santé de tous les Canadiens tout en éliminant une importante pression financière et politique exercée sur les provinces et les territoires grâce à un meilleur pouvoir d’achat pour le gouvernement fédéral qui négociera dans le cadre d’un important système de soins de santé couvrant tout le pays. En comparant le Canada à l’Australie, qui est aussi une fédération, il est évident que le Canada offre une plus grande capacité d’augmenter les revenus, partager les risques, réglementer les prix, et assurer une équité pancanadienne par rapport à l’accès aux traitements pharmaceutiques. De plus, un formulaire national assure l’optimisation des ressources en s’appuyant sur les évaluations comparatives, fondées sur les données probantes, des médicaments sur ordonnance, et permet de contenir les coûts à long terme.
Quatre-vingt-onze pour cent des Canadiens sont en faveur d’un régime national d’assurance-médicaments, et 87 % sont en faveur d’ajouter les médicaments sur ordonnance à la couverture universelle offerte par l’assurance-maladie.[i] De façon similaire, environ 90 % des entreprises au Canada sont généralement favorables à l’idée d’un régime public d’assurance-médicaments.[ii] Un régime public universel d’assurance-médicaments reçoit un appui ferme de la part du personnel infirmier, des médecins et autres professionnels de la santé. Pharmacare 2020, qui fait des recommandations en matière de politiques liées à un régime national d’assurance-médicaments, reçoit l’appui d’environ 300 professeurs en politiques de la santé de partout au Canada.[iii]
Ce n’est plus le temps de mener d’autres études sur le sujet ou d’adopter d’autres résolutions. La question a été suffisamment examinée et a fait l’objet de débats depuis la Commission Hall de 1965 jusqu’au Rapport Romanow de 2002 sur notre système de soins de santé. C’est maintenant le temps d’agir.
[i] Angus Reid Institute. (2015). Prescription Drug Access and Affordability an Issue for Nearly a Quarter of All Canadian Households. Vancouver: Angus Reid Institute.
[ii] Aon Hewitt. (2016). Programme canadien d’assurance. Tiré de http://www.aon.ca/surveys/rr/Aon_Pharm_2016_FR.pdf
[iii] Morgan, S.G., Martin, D., Gagnon, M.-A., Mintzes, B., Daw, J.R. et Lexchin, J. (2015). Pharmacare 2020: The Future of Drug Coverage in Canada. Vancouver: Pharmaceutical Policy Research Collaboration.
[i] Angus Reid Institute. (2015). Prescription Drug Access and Affordability an Issue for Nearly a Quarter of All Canadian Households. Vancouver: Angus Reid Institute.
[ii] Aon Hewitt. (2016). Pharmacare in Canada. Retrieved from http://www.aon.ca/surveys/rr/Aon_Pharm_2016_EN.pdf
[iii] Morgan, S.G., Martin, D., Gagnon, M.-A., Mintzes, B., Daw, J.R. and Lexchin, J. (2015). Pharmacare 2020: The Future of Drug Coverage in Canada. Vancouver: Pharmaceutical Policy Research Collaboration.
[i] Data from OECD Health Statistics 2016 and Australian Institute for Health & Welfare (AIHW), 2016.
[ii] Canadian Institute for Health Information (CIHI). (2015). National Health Expenditure Trends, 1975 to 2015. Retrieved from https://secure.cihi.ca/estore/productSeries.htm?pc=PCC52
[i] Morgan, S.G. (2016, April 18). Testimony by Dr. Steve Morgan before the Standing Committee on Health’s Study on the Development of a National Pharmacare Program. Retrieved from http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Language=e&Mode…
[ii] Morgan, S.G., Law, M., Daw, J. R., Abraham, L. and Martin, D. (2015). Estimated Cost of Universal Public Coverage of Prescription Drugs in Canada. Canadian Medical Association Journal (CMAJ), 187(7): 491–97. doi:10.1503/cmaj.141564.