Cette page en regard de l’éditorial a été publiée dans le Regina Leader-Post et le Saskatoon StarPhoenix le 10 juillet 2019.
Tracy Zambory et Linda Silas
Cette semaine, les premiers ministres provinciaux et territoriaux sont rassemblés à Saskatoon pour leur réunion annuelle et les syndicats infirmiers du pays seront sur place pour livrer un message clair : la violence ne fait pas partie de notre travail.
Chaque jour, des infirmières et des infirmiers en Saskatchewan, et ailleurs au Canada, reçoivent des coups de poing, de pied, se font cracher dessus, insulter et agresser physiquement. Les conditions semblent s’envenimer et engendrent une épidémie de violence dans le secteur de la santé.
Le personnel infirmier sonne l’alarme. Nous déclenchons un « code blanc », comme nous le faisons dans les hôpitaux lorsqu’un incident de violence survient. Les gouvernements provinciaux doivent agir avant qu’un plus grand nombre d’infirmières quittent la profession, une profession qui doit déjà gérer de graves pénuries de personnel. Selon une étude internationale, comparativement à 10 autres pays à revenu élevé, le Canada se classe parmi les trois derniers par rapport au nombre d’infirmières par habitant.
Le manque de personnel au sein des unités des hôpitaux, des établissements de soins de longue durée et des services de soins à domicile – malgré le fait que les travailleurs doivent prendre soin d’un plus grand nombre de patients qui sont de plus en plus malades – génère de la frustration chez les patients et leur famille, et rend le personnel infirmier plus vulnérable. Combinée à des protocoles de sécurité peu rigoureux, la crise de violence est le résultat d’années de financement insuffisant et de dotation inadéquate en personnel infirmier.
La situation est explosive aux premières lignes de notre système de soins de santé.
Selon un sondage national, 61 pour cent des infirmières et des infirmiers mentionnent un grave problème lié à la violence au cours d’une période récente de 12 mois. Deux tiers des infirmières et des infirmiers ont pensé quitter leur emploi. Même si ces chiffres semblent très élevés, la plupart des incidents de violence ne sont pas signalés en raison d’une culture de tolérance qui persiste depuis trop longtemps.
Cette violence se traduit non seulement en souffrance profonde chez les travailleurs de première ligne mais elle coûte très cher à notre système de soins de santé. Le taux d’augmentation des demandes d’indemnisation liées à la violence et entraînant une perte de temps était trois fois plus élevé chez les travailleurs de la santé que chez les policiers et les agents correctionnels confondus, sur une période de 10 ans. En Ontario seulement, l’ensemble des travailleurs de santé ont perdu environ 25 300 jours de travail, soit l’équivalent de 69 ans, en raison de la violence et du harcèlement au travail, et cela en une seule année.
Chaque fois qu’un patient est frustré et devient violent, une autre infirmière décide que c’est assez et pense à changer de carrière. Tout cela reflète un système qui néglige de s’occuper du personnel infirmier et des patients.
Cette réalité troublante a récemment attiré l’attention du gouvernement fédéral. La première étude parlementaire sur cet enjeu est la preuve qu’il soit maintenant devenu une préoccupation nationale.
L’étude a été menée par le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, comité composé de membres de tous les partis. Le rapport du comité a été communiqué en juin et fait de nombreuses recommandations détaillant une série de mesures concrètes pouvant être prises par les gouvernements provinciaux et territoriaux pour enrayer cette crise.
Plusieurs de ces recommandations font écho aux mesures demandées par les infirmières et les infirmiers.
Ces mesures comprennent l’élaboration d’un cadre pancanadien de prévention de la violence, la création d’un carrefour pour le partage des pratiques exemplaires, la cueillette de données à l’échelle du Canada, l’amendement du Code criminel pour tenir les auteurs d’actes de violence responsables, et un financement fédéral ciblé pour les infrastructures de prévention de la violence.
D’importance capitale, le rapport recommande au gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces et les territoires pour mettre à jour la stratégie canadienne en matière de ressources humaines en santé afin de remédier aux graves pénuries de personnel partout au pays.
Cette étude parlementaire s’inscrit dans la foulée d’efforts concertés déployés par les syndicats infirmiers pour attirer l’attention, sur le plan national, à la violence omniprésente dans nos milieux de travail. Avec des taux si élevés de violence envers les travailleurs de la santé, nous ne pouvons plus nous permettre le statu quo.
Il n’y a pas de solution miracle pour mettre fin à la violence dans le secteur de la santé. Les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral devront collaborer entre eux, et avec le personnel infirmier et les principaux intervenants, pour déterminer les causes profondes de cette crise.
Toutefois, en se basant sur les données et les pratiques exemplaires, le Canada peut agir et faire d’énormes progrès pour créer un système de soins de santé plus sain et plus sûr.
Les infirmières, les infirmiers, les travailleurs de la santé et les principaux intervenants déclenchent un code blanc. Le temps est venu, pour les premiers ministres du Canada, de réagir.
Linda Silas est infirmière et présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers.
Tracy Zambory est infirmière et présidente du syndicat infirmier Saskatchewan Union of Nurses.