20 mars 2018, Ottawa, ON : Pendant qu’aux États-Unis les étudiants marchent en solidarité pour obtenir des lois plus rigoureuses sur les armes à feu, et qu’ils dénoncent la montée de la violence armée dans leurs écoles, le gouvernement du Canada présente une nouvelle législation sur les armes à feu. Demander qu’on agisse contre la violence par les armes à feu n’est pas nouveau au Canada mais, depuis des années, les lois sur les armes à feu se sont érodées pendant que la violence par armes à feu n’a fait qu’augmenter. En réaction à cela, la Coalition pour le contrôle des armes revendique, depuis des décennies, des mesures plus rigoureuses de contrôle des armes et, aujourd’hui, des experts en droit, des victimes de violence armée, et des groupes de femmes se sont joints à la Coalition, sur la Colline du Parlement, pour examiner et commenter la nouvelle législation du gouvernement du Canada sur les armes à feu, une législation longtemps attendue.
Bien que le Projet de loi 71 n’ait pas été étudié en détails par Wendy Cukier, fondatrice de la Coalition pour le contrôle des armes, elle précise : « Avec cette nouvelle législation sur les armes à feu, le gouvernement libéral fait un premier pas important, y compris remettre en place les mesures de contrôle pour l’attribution de permis et pour la vente d’armes. Nous avons désespérément besoin de mesures plus rigoureuses. La plupart des personnes au Canada ne savent pas que, lorsque l’enregistrement des armes à feu sans restriction a pris fin, et que les données relatives à six (6) millions d’armes à feu ont été détruites, le gouvernement a omis de remettre en place les mesures de contrôle pour la vente d’armes, établies en 1977. Contrairement à ce que pensent plusieurs personnes au Canada, les États-Unis ont actuellement des mesures de contrôle pour la vente d’armes plus rigoureuses qu’au Canada ». Par exemple, les États-Unis permettent aux agents d’application de la loi de vérifier, en tout temps et sans mandat, lors d’enquêtes policières, et les inventaires sont vérifiés annuellement. Il faudra consacrer davantage de temps pour examiner les détails de la législation, particulièrement par rapport à l’impact sur le contrôle des armes de poing et des armes d’assaut de type militaire.
Le choix du moment pour annoncer, aujourd’hui, ce projet de loi est très important parce que, pour la première fois depuis des décennies, la majorité des armes à feu récupérées à la suite de crimes commis à Toronto, plus grande ville du Canada, appartenaient légalement à des personnes du Canada et non des États-Unis. Les taux annuels varient mais les meurtres par armes à feu à Toronto ont augmenté de près de 60 % en 2016 (comparativement à 2015) et, à Saskatoon, ils pourraient avoir augmenté de 50 %. D’autres villes, y compris Ottawa et Regina, signalent une augmentation de la violence par armes à feu. Au Canada, depuis 2004, le nombre d’armes à autorisation restreinte, principalement les armes de poing, a doublé pour atteindre 795 854 en 2015 (comparativement à 384 888 en 2014), et plus d’un (1) million d’armes à autorisation restreinte et d’armes interdites appartiennent légalement à des personnes. [Stephen Harper, ancien premier ministre du Canada, affirmait que ces armes étaient « pratiquement interdites].
La population canadienne veut qu’on agisse. Un sondage mené, pendant l’élection, par Environics Reseach, et un autre plus récent mené par Hill and Knowlton, indiquent que la plupart des personnes de chaque province du Canada désirent des mesures plus rigoureuses de vérification des antécédents et d’attribution de permis (88 %). Elles veulent des restrictions strictes à l’accès aux armes de poing (62 %). Elles veulent que les armes de type militaire soient classées de façon pertinente et interdites (83 %). Et elles veulent des mesures pour enregistrer toute vente d’armes et contrôler la vente illégale (87 %), y compris un pourcentage de 67 % dans les régions rurales.
Les champions du contrôle des armes étaient aussi sur la Colline du Parlement pour demander aux politiciens d’examiner les données et non la rhétorique, et de revendiquer la sécurité du public devant le lobby des armes à feu, un lobby fort et très bruyant. Des experts de la sécurité publique et de la violence envers les femmes, des physiciens, des forces policières et des victimes de violence armée insistent pour dire qu’une réglementation stricte des armes à feu est fondamentale pour assurer la sécurité publique pour toute la population canadienne, particulièrement les femmes et les enfants.
Citations :
Colette Prevost, directrice de la défense des droits, YWCA Canada,
« Les armes à feu sont en évidence dans le cycle de la violence envers les femmes, et les données sont claires : lorsqu’il y a présence d’armes à feu, les femmes et leurs enfants sont plus susceptibles d’être tués. Les mesures de contrôle des armes à feu sont liées à une chute accélérée des meurtres de femmes commis avec des armes à feu, et il n’y a aucune preuve d’effets de substitution. Il faut voir la situation avec les yeux des femmes si nous voulons faire progresser la législation progressive des armes à feu dans ce pays. Pour chaque femme tuée ou blessée par une arme à feu, des milliers d’autres vivent avec la menace quotidienne d’une telle violence. » [Traduction]
Professor Martha Jackman, professeure et co-présidente de l’Association nationale Femmes et Droit
« La Charte nous oblige à analyser les problèmes en matière de sécurité publique, par exemple le contrôle des armes à feu, en nous basant sur les droits à l’égalité car les attitudes des hommes et des femmes diffèrent lorsqu’il s’agit d’armes à feu et de leur impact. Les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne exigent des gouvernements le contrôle des armes à feu, ainsi que la protection des femmes et de leur famille contre toute violence armée. Le gouvernement des États-Unis a été intimidé par le lobby des armes à feu et s’est soustrait de ses obligations de protéger tous ses citoyens contre les armes illégales. Nous devons tout faire pour que cela ne se produise pas au Canada, notre Constitution l’interdit. » [Traduction]
Josée Madéia, administratrice de projet au sein de l’Association nationale Femmes et Droit, et gestionnaire d’une ferme familiale en région rurale du Québec
« Des personnes déclarent que la pression pour obtenir des lois plus strictes sur les armes à feu est motivée par les inquiétudes engendrées par la violence armée dans les grandes villes et ne tient pas compte des inquiétudes des personnes vivant dans les régions rurales du Canada. Ces personnes se trompent sur toute la ligne. Dans les plus petites collectivités, où on trouve davantage d’armes à feu, les taux de violence par armes à feu sont plus élevés. Dans ces petites collectivités, il y a aussi des taux plus élevés d’homicides et de blessures par armes à feu. Il faut accorder davantage de priorité à la sécurité publique. Et les politiciens ne doivent surtout pas oublier que les femmes votent aussi. » [Traduction]
Linda Silas, présidente, Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers
« En qualité de professionnelle de la santé ayant grandi au Nouveau-Brunswick, je veux stresser l’importance d’une règlementation efficace des armes à feu dans le cadre d’une stratégie élargie en matière de santé et de sécurité publiques, particulièrement par rapport à la sécurité des femmes et des enfants. Trop souvent, ce débat oppose ‘criminels’ et ‘propriétaires légaux d’armes à feu’ ou représente une lutte entre les voix urbaines et rurales. L’horrible vérité est la suivante : selon les statistiques en santé, où il y a davantage d’armes à feu, il y a davantage d’opposition au contrôle des armes à feu mais, où il y a davantage d’armes à feu, il y a aussi des taux plus élevés de décès ou de blessures par armes à feu. On a surtout mis l’accent sur les armes de poing mais une carabine ou un fusil de chasse entre les mains d’une personne en colère ou perturbée peut aussi avoir des conséquences tragiques. » [Traduction]