Les travailleuses et les travailleurs de la santé du Canada ont été là pour nous pendant toute la pandémie. Il est temps pour nous d’être là pour eux.
Voilà pourquoi des dizaines d’associations, de syndicats du secteur de la santé, d’éducateurs et de chercheurs de partout au pays ont uni leurs voix cette semaine pour demander au gouvernement fédéral de faire des investissements substantiels et immédiats dans les infrastructures de données afin de mieux planifier la main-d’œuvre du secteur de la santé et lui offrir le soutien adéquat.
Une meilleure planification du système de soins de santé grâce à de meilleures données sur la main-d’œuvre pourrait faire toute une différence pour les travailleurs de la santé et la population canadienne. En temps de pandémie c’est une question de vie ou de mort.
La plupart des personnes au Canada ne sont probablement pas conscientes du fait que nous manquons de données sur les composantes les plus fondamentales de notre main-d’œuvre en santé.
Nous manquons de données sur le champ d’activités des travailleurs de la santé, sur la diversité de la main-d’œuvre, l’identité autochtone ou raciale, et la langue de service. Nous ne savons pas comment des équipes de soins différentes travaillent ensemble, ni comment ces personnes sont recrutées, formées, et maintenues en poste où elles sont le plus nécessaires.
Dans des secteurs critiques, notamment soins à domicile, soins de longue durée et services de santé mentale, on ne connaît même pas le nombre de travailleurs de la santé.
Le manque de telles données fondamentales sur la main-d’œuvre en santé existait avant la pandémie, et cela compromettait le travail des travailleurs de la santé et les soins que nous recevons tous. Des soins sûrs et de grande qualité sont en lien direct avec la sécurité et la qualité du travail des travailleurs de la santé.
Avant la pandémie, la main-d’œuvre en santé était déjà à bout de souffle et on se préoccupait de plus en plus de l’accès aux soins en temps opportun et près de chez soi. La pandémie a engendré des pénuries criantes de personnel et c’est le résultat direct d’une planification inadéquate. Cela a contribué à placer, sur les épaules des travailleurs de la santé, un énorme fardeau en matière de santé mentale et c’est pourquoi nous risquons de voir des départs sans précédent au sein de la main-d’œuvre en santé.
Inévitablement, cela se traduira en accès diminué aux soins sûrs et de qualité, et en délais d’attente plus longs pour les patients.
Dans notre appel à l’action, des signataires de partout au pays, y compris le Réseau canadien des personnels de santé, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers, l’Association médicale canadienne, et plus de 30 organisations de santé de plus de 100 personnes, ont demandé au gouvernement fédéral d’exercer un leadership plus ferme et d’aider à combler les lacunes énormes dans les données sur la main-d’œuvre en santé.
Le gouvernement fédéral pourrait créer une agence de la main-d’œuvre en santé, apparentée à l’Agence de la santé publique du Canada, et dont le mandat particulier serait d’améliorer, de façon appréciable, l’infrastructure actuelle des données sur la main-d’œuvre en santé au Canada. Ces agences existent déjà dans plusieurs pays, entre autres en Angleterre, en Australie, en Nouvelle-Zélande.
Cette agence devrait aider à coordonner et à normaliser la collecte et l’analyse des données relatives aux travailleurs, aux secteurs, aux provinces et aux territoires. Elle comprendrait aussi des liens aux renseignements pertinents sur les patients, aux données sur l’utilisation des soins de santé et à celles sur les résultats des patients. Ainsi, on pourrait mieux adapter la planification à l’échelon provincial, territorial et régional, et aux programmes de formation.
Tant que nous n’aurons pas une planification plus efficace de la main-d’œuvre en santé, fondée sur de meilleures données sur la main-d’œuvre, nous allons continuer à prendre des décisions dans le noir en se basant sur des informations incomplètes, trompeuses, non normalisées. Le Canada peut s’attendre à une planification inadéquate pour répondre aux besoins de la population maintenant et dans l’avenir, au déploiement inefficace des travailleurs de la santé, à une mauvaise distribution des services, et à la perpétuation des inégalités actuelles.
Ivy Lynn Bourgeault est titulaire d’un doctorat en santé communautaire, et directrice du Réseau canadien des personnels de santé. Linda Silas, est infirmière immatriculée et présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers.